Etat des lieux
L’idée : le besoin social
Une étude nationale réalisée par ATD Quart monde de 2011 à 2015 a mis en lumière :
- La faible maîtrise de leur alimentation par les personnes qui vivent dans la précarité : budgets restreints qui réduisent les possibilités de choix et obligent le recours aux produits discount de basse qualité, dépendance au don alimentaire
- La gêne voire la honte de ne pas être autonome pour soi et sa famille
- L’isolement, la discrimination : au-delà de son rôle nourricier, l’alimentation joue un rôle social de premier plan dans la société française (repas avec des amis et la parenté, fêtes traditionnelles…)
Les élus de Terres de Lorraine ont souhaité positionner la question de l’accessibilité sociale à une alimentation de qualité dès le démarrage du Projet Alimentaire Territorial (PAT).
Étude » Se nourrir lorsqu’on est pauvre – Analyse et ressenti des personnes en situation de précarité » par Magali Ramel, Huguette Boissonnat Pelsy, Chantal Sibué-De Caigny, Marie-France Zimmer – Éditions Quart Monde – Juin 2016
De l’expérimentation à l’action
Le pays Terres de Lorraine et ATD Quart Monde en 2017 ont soutenu une démarche de recherche action dont l’objet était de construire un cadre favorable au développement d’initiatives et à l’émergence d’un système alimentaire garantissant un accès à l’alimentation digne, durable et de qualité pour tous. Cette démarche intitulée d’abord « se nourrir lorsqu’on est pauvre » a été nommée « De la dignité dans les assiettes »
Comment et qui ?
Cette démarche associe une pluralité d’acteurs du territoire (producteurs, chambre d’agriculture, collectivités, CCAS, associations, centre socio-culturel, médiathèque, maison des solidarités, personnes en précarité et citoyens…) avec toujours une attention particulière à la place et la participation des personnes qui connaissent la précarité alimentaire.
Des fondations pour une action dans la durée
Une charte commune pose les principes fondamentaux de la démarche. Elle est un outil pour interroger les pratiques, sensibiliser aux enjeux et repérer et promouvoir des actions alimentaires qui y répondent. Cette charte a été la base pour la constitution progressive d’une gouvernance alimentaire.
Un conseil multi-partenarial ayant pour rôle de suivre, orienter et évaluer le projet sur le territoire au regard de la charte. Un collectif d’organismes (associations, collectivités, CCAS, centre social), de producteurs et d’utilisateurs, au sein duquel chacun contribue aux réflexions et aux actions.
La mise en place progressive de laboratoires d’usage (labo CAP) pour permettre la pleine place et participation des usagers et citoyens à la démarche, dans une recherche de démocratie alimentaire.
Mise en place du projet
Un collectif d’acheteurs pour accéder à une alimentation de qualité « sans tendre la main » : la mutualisation alimentaire
Le collectif d’acheteurs s’est fondé autour d’une réflexion d’une personne en situation de précarité alimentaire concernant les prix des promotions dans les grandes surfaces : « Ils vendent les yaourts pas chers, par douze, si je ne peux pas déjà en acheter un, je ne peux pas en acheter douze pour l’avoir moins cher ». Les personnes en précarité accèdent difficilement à des prix bas car cela nécessite souvent d’être mobile, d’être en mesure d’acheter en grosse quantité, faire des comparaisons entre promotions dans les enseignes ou chez les producteurs, etc. L’objectif premier de l’association a donc été « d’acheter ensemble pour acheter moins cher ». Le fait de s’unir autour d’un collectif permet alors d’avoir un pouvoir de négociation d’échelle qu’une personne seule ne peut avoir.
Quinze laboratoires d’usage ont été organisés dans les différents territoires entre octobre 2020 et octobre 2021. L’objectif de ces laboratoires était de réfléchir ensemble, avec les acteurs de terrain et futurs acheteurs, un modèle d’association qui permette de lutter activement contre la précarité alimentaire, et d’accéder à des produits de qualité et durable. Ainsi, lors de ces laboratoires, les participants ont fait part de leurs conseils, envies, demandes, propositions pour définir les contours du collectif. Les thèmes abordés lors de ces laboratoires concernaient :
- L’accessibilité géographique : dans quels territoires le collectif d’acheteurs peut il s’étendre ? Où sont les besoins ?
- L’accessibilité financière : quels devraient être les prix des produits ? Quel est le montant à ne pas dépasser ? Quel devrait être le prix de l’adhésion ?
- L’accessibilité sociale : qui peut commander des produits dans le collectif d’acheteurs ? Qui sont les personnes prioritaires ?
- La qualité des produits : comment définir la qualité, quels critères utilisés ?
- La diversité des produits : quel produit dans le collectif d’acheteurs ?
- L’approvisionnement : faut-il que les produits soient essentiellement des producteurs locaux ? Faut-il construire des partenariats avec des collectifs existants de lutte contre la précarité alimentaire (Vrac, banque alimentaire, etc)
- Autres moyens proactifs d’accès à l’alimentation : bons plans, glanage, accès facilité aux promos intéressantes dans la grande distribution etc.
Ainsi, ces laboratoires ont permis de dessiner les premières orientations du collectif d’acheteur, et la première commande a eu lieu en octobre 2021.